Le journal en ligne Médiapart est un journal désormais connu de la plupart des Français – pour celles et ceux qui ont un accès à Internet, puisqu’il y a des Français qui, eux, n’ont pas accès à. Il y a quelques jours, les résultats économiques de l’année écoulée ont été présentés et expliqués par les dirigeants de Médiapart. Le média en ligne aurait, actuellement, environ 200.000 abonnés mensuels, un chiffre stable depuis plusieurs mois. Médiapart a été fondé par six personnes : François Bonnet, Gérard Desportes, Laurent Mauduit, Edwy Plenel, Marie-Hélène Smiéjan et Godefroy Beauvallet (1.325.000 € d’apports propres). Dans un deuxième temps, Jean-Louis Bouchard et Thierry Wilhelm ont apporté 1,1 million d’euros. Pendant cette première période, le quotidien a bénéficié des conseils d’un banquier, Christian Ciganer, frère de Cécilia ex-Sarkozy. La société des Amis de Médiapart a permis d’ajouter 504.000 €, avec 88 contributeurs, parmi lesquels il y aurait, entre autres, Maurice Lévy, PDG de Publicis, Xavier Niel. En mars 2008, le fonds Odyssée Venture a apporté 1 million d’euros. La naissance de Médiapart a donc été accompagnée par de « bonnes fées », avec des moyens conséquents pour financer plusieurs mois d’activité, sans dépendre des abonnements, lesquels ont pris du temps, et se sont accélérés au fur et à mesure des enquêtes. Depuis, le quotidien en ligne est passé sous le contrôle des journalistes qui en sont les producteurs, à travers une association, le Fonds pour une Presse Libre. La réussite financière comme économique est incontestable. Elle s’est construite sur des révélations multiples, des affaires franco-françaises. Des journalistes de cette rédaction ont (comme ceux du Canard Enchaîné) des « sources », au sein de l’Etat et des grandes entreprises, et si le média a pu être régulièrement attaqué devant une juridiction, il a, sauf erreur de notre part, gagné tous les procès majeurs qui lui étaient intentés.

La ligne éditoriale de Médiapart semble clairement déterminée par une notion, philosophique, politique, professionnelle : la « vérité », ce qu’un certain journalisme traduit par la référence aux « faits ». Raconter ce qui est. Il s’agirait donc d’étendre le champ du visible et du vu, en révélant ce que certains s’échinent à cacher. Avec « l’affaire Bettencourt », révélée par Médiapart, il a été démontré que Liliane Bettencourt, principale bénéficiaire des actifs et actions de « l’Oréal », faisait des dons, en « liquide » ou par des biens, à des VIP de la droite sarkozyste ou des figures du milieu artistique parisien. Nicolas Sarkozy est lui-même mis en cause pour de tels dons. Avec ces révélations, la notoriété de Médiapart a augmenté pour devenir aujourd’hui, tant par celles-ci que par ses résultats économiques, une « référence ». Mais malgré sa croissance, la rédaction est avant tout franco-française, et n’a pas de correspondants étrangers nombreux et en poste permanent. Néanmoins, en ce qui concerne le suivi des évènements étrangers tragiques (guerre civile, guerre), le quotidien en ligne publie de nombreux articles dont la plupart sont rédigés depuis la France. Par exemple, concernant la guerre en Ukraine, le quotidien ne dispose pas de plusieurs correspondants, journalistes, sur place. Ensuite, le quotidien est lui aussi en guerre : dans cette guerre, il est engagé du côté ukrainien et occidental. Or, l’examen des publications démontre que, contrairement à ce qui est recommandé dans la préparation d’un « procès », à savoir le fait de ne pas enquêter « à charge », un même manichéisme que celui, représenté, exprimé, par un BHL, par les autorités françaises, européennes et américaines, sévit : les Russes sont des méchants, Poutine=Staline (ce qui, pour Edwy Plenel et quelques autres, est pire que tout, au-delà même de ce que fut Hitler), et les Ukrainiens sont des gentils, des victimes, quels qu’ils soient. Concernant d’autres crises, des lecteurs et abonnés ont relevé les étonnants tropismes de la rédaction, en phase avec les principes, les objectifs, les accusations américaines : par exemple, contre le Venezuela, à propos duquel la rédaction a soutenu l’auto-proclamé président « Guaido », désormais abandonné tant au Venezuela qu’en dehors et mis en cause dans des détournements de fonds, contre la Russie, une tête de turc pour la rédaction, contre la Chine, avec l’accusation de génocide sur une partie de la population des Ouïghours, alors qu’il existe un faisceau d’éléments et d’indices qui convergent vers une campagne montée de toutes pièces par des activistes américains anti-communistes, etc.


C’est que le journal exprime des engagements politiques. Son porte-parole principal, Edwy Plenel, insiste sur les principes de l’égalité et de la fraternité, à partir de différentes situations sociales françaises. Il soutient les droits civiques. Quand il y a des manifestations citoyennes dans un autre pays que la France, la rédaction invite à faire un parallèle avec d’autres mobilisations, par exemple, celles qui se sont produites en France avec les Gilets Jaunes, avec celles qui se sont produites au Venezuela ou à Hong Kong. Pourtant, les observateurs de ces manifestations ont pu relever des spécificités, que le quotidien a ignoré, et toute la question est de savoir si cela fut volontaire ou involontaire. C’est que, derrière les engagements politiques en faveur des droits civiques, les engagements politiques d’un Edwy Plenel et d’autres membres de la rédaction sont orientés vers le trotskysme, et un courant du trotskysme. Nous y reviendrons prochainement.