Guerre en Ukraine : où en sommes-nous, six mois après son commencement ?

Guerre en Ukraine : où en sommes-nous, six mois après son commencement ?

Il y a un peu plus de 6 mois, Vladimir Poutine annonçait le début d’une « opération spéciale » en Ukraine. Cette guerre qui commençait tonnait depuis plusieurs années. Comme de toute guerre, elle était appelée de leurs voeux, par certains, et, à priori, rejetée par beaucoup. Ce sont les premiers qui ont obtenu gain de cause. L’intégration de l’Ukraine dans l’empire européen-américain, actée par la « révolution du Maïdan » (une « révolution démocratique » par ses partisans, un putsch orchestré par les Etats-Unis et l’UE pour ses opposants), autrement dit la mise à distance d’un pays avec lequel les Russes ont des liens, familiaux, historiques, culturels, économiques, démontrait que les deux sphères d’influence, l’euro-atlantique et l’euro-asiatique, allait se déchirer, tôt ou tard, à propos de l’Ukraine, sur le dos de l’Ukraine. Les régions de l’Est de l’Ukraine, en état de sécession avec le pouvoir à Kiev, et ce en raison de leurs populations russophones et russophiles dominantes, furent bombardées par l’Ukraine, bien que des accords aient été signés à Minsk en 2014. Et entre 2014 et 2022, l’UE et les Etats-Unis se sont installées à Kiev, ont soutenu son intégration à l’UE, voire à l’OTAN, bien que cette perspective constitue un casus belli avec la Russie. Après une succession d’humiliations rendues possibles par la dissolution de l’URSS, cette occidentalisation de l’Ukraine à marche forcée, autrement dit, le fait de rendre les Russes, de plus en plus étrangers, non grata, en Ukraine, a alimenté un dégoût et une colère, sourde, en Russie, et ce concernant un pays « frère », un pays qui fut une partie essentielle de l’ex URSS (de nombreux dirigeants soviétiques étaient ukrainiens). Les défilés d’extrême-droite, « néo-nazis », ont constitué des provocations inédites et inouïes, pour des Russes qui ont gardé la mémoire vive des pertes humaines et matérielles pour la libération de l’Ukraine et d’autres pays de l’Est, tombés sous le joug nazi. Le déboulonnage des statues, dédiées à cet hommage envers les soldats soviétiques, en a été un symbole, douloureusement vécu. L’Ukraine ne n’est pas seulement engagé dans une occidentalisation : ses dirigeants ont explicitement choisi une « dérussification », par des mesures vexatoires contre la Russie, ses intérêts, ses symboles, et ce dans le silence des Etats occidentaux, voire leur contentement plus ou moins discret. La militarisation de l’Ukraine n’a pas commencé avec la guerre, mais s’est faite graduellement, et les Russes ont vu une Ukraine devenir de plus en plus armée et menaçante contre eux. Vladimir Poutine a justifié cette « opération spéciale » pour désarmer l’Ukraine et la « dénazifier ». Mais dès le début, les armées russes n’ont pas envahi l’ensemble de l’Ukraine. Des forces n’ont pas été projetées sur les frontières ouest de l’Ukraine, afin d’encercler l’ensemble du pays. La progression militaire a été opérée depuis les frontières est, et ce par des forces dont le nombre était à minima. La supériorité militaire russe était donc relative : des soldats plus nombreux, ainsi que des chars, des avions, sans toutefois que ces forces soient nettement plus importantes. Or, après les débuts de l’entrée en Ukraine, les Etats occidentaux, sous la férule américaine, ont décidé de livrer des armes à l’Ukraine – et des « conseillers », un point sur lequel ces Etats restent discrets, puisque, dès lors qu’il sera avéré, ils devront reconnaître qu’ils sont, comme le prouvent leurs livraisons d’armes, en guerre contre la Russie. Des engagés ont rejoint les forces armées ukrainiennes. Les Russes ont fait le choix de procéder de manière lente, prudente, et sans tout détruire. Par exemple, ils auraient pu faire de Kiev un champ de ruines (comme tant de villes en Syries le sont devenues). Des bombardements aussi massifs auraient provoqué un exode humain encore plus important, en rendant tout retour impossible à court terme. La stratégie militaire russe a donc consisté à concilier efficacité et actions militaires limitées. 6 mois plus tard, cette stratégie a démontré, elle aussi, ses limites. Le soutien occidental a déjà été si consistant qu’il a permis de maintenir une armée ukrainienne, pourtant bien mal en point après les premières semaines de combats. Après ses avancées dans le territoire ukrainien, les Russes ont fait le choix de s’y stabiliser, en cessant ces progressions. L’examen de l’état des forces par les moyens de surveillance des Occidentaux a donné aux Ukrainiens des informations précieuses sur les forces russes, leurs fragilités, et, en conséquence, des stratégies d’attaques, au nord, au centre et au sud, ont été définies. Les armées russes, attaquées, ont reculé. Les Ukrainiens ont repris des territoires, des villes, des villages. Etant donné ces reculs, Vladimir Poutine a annoncé une mobilisation partielle de citoyens russes adultes, mâles, de nouveaux changements à la tête des armées. 4 régions russophones, ont mis en place des référendums pour décider de leur intégration à la Russie, et les résultats ayant été positifs, la Russie a fêté ces nouveaux territoires russes (référendums et annexions ne sont pas reconnus au niveau international par les Etats occidentaux comme par l’Ukraine). Enfin, il y a quelques jours, le fameux pont qui relie la Crimée à la Russie a subi une attaque par l’explosion d’un camion en circulation. Une partie de la chaussée s’est effondrée dans la mer. En réponse à cette attaque, la Russie a procédé à de nouveaux bombardements sur plusieurs villes, cibles. Pendant ces six mois, les belligérants ont connu plusieurs phases, avec des périodes où des négociations ont été envisagées, ont commencé à être menées, des périodes où une guerre jusqu’au boutiste a été proclamée. Il y a eu quelques milliers de morts, mais il est actuellement impossible de connaître des chiffres dont la probabilité de valeur sont élevés : l’Ukraine a perdu des milliers de civils et de soldats, et la Russie quelques milliers de soldats également, mais il serait vain de vouloir donner une approximation. Des pays étrangers ont également perdu des ressortissants, des engagés dans les forces armées ukrainiennes, quelques journalistes. Les exilés ukrainiens en Europe se compteraient en millions. Pour ceux-ci, la guerre a constitué et une tragédie, puisqu’ils ont dû quitter leur pays, leur domicile, et, pour certains, un effet d’aubaine, puisque, avant cette guerre, étant donné que l’Ukraine ne faisait pas partie de l’UE, ils ne bénéficiaient pas de la libre circulation des Européens dans l’UE. Accueillis dans les divers pays européens, ils ont reçu des papiers, et il leur a été donné un logement, de l’argent, avec l’intégration de leurs enfants dans les écoles. Quelques voix, peu audibles, ont mis en cause une discrimination de traitements, entre des réfugiés d’autres pays du monde, d’autres couleurs de peau, avec les réfugiés ukrainiens. L’accueil de ceux-ci a démontré que les Etats européens peuvent loger qui ils veulent, quand et comme ils veulent – quand… L’augmentation des moyens, des capacités militaires, des belligérants, avec, d’un côté, une Russie qui mobilise plus, de l’autre, une Ukraine-occidentale (soutenue par l’arc euro-américain), l’absence de négociations réelles sous l’égide de l’ONU, indiquent que les dirigeants ne veulent pas aller vers une paix, qu’ils privilégient la solution militaire, mais chaque camp considère que la défaite est impossible, et le secrétaire général de l’OTAN a même déclaré il y a quelques jours qu’une défaite de l’Ukraine serait une défaite de l’OTAN. Or, pour l’OTAN, toute défaite est considérée comme impossible. La menace nucléaire augmente, mais les autres pays du monde continuent leur vie comme si elle n’existait pas vraiment. La logique « Dont Look Up » sévit là aussi, sévèrement.

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