Dans notre précédente publication concernant des criminels de masse, solitaires, comme Anders Breivik, nous avons dû prendre en compte l’articulation entre des intellectuels, théoriciens, créateurs des justifications concernant des actes criminels interprétés comme des actes de « légitime défense », et les exécutants de ces crimes, lesquels, à notre époque, sont devenus leur propre théoricien. Dès lors qu’ils sont interrogés sur leur responsabilité dans ces crimes, les théoriciens et les propagandistes du « grand remplacement » en nient toute existence, toute part, comme l’exprime Renaud Camus dans l’émission d’Arte (cf la vidéo dans l’article déjà cité), et, ces derniers jours, Eric Zemmour, dont le propos est analysé par Clément Viktorovitch (cf sur son compte Twitter)

Pourtant, dans le droit français actuel, des poursuites contre les théoriciens et les propagandistes du « grand remplacement » seraient possibles, en s’appuyant sur des articles du code pénal. L’article 121-7 du Code Pénal définit la complicité : « est complice d’un crime ou d’un délit la personne qui sciemment, par aide ou assistance, en a facilité la préparation ou la consommation » ; « est également complice la personne qui par don, promesse, menace, ordre, abus d’autorité ou de pouvoir aura provoqué à une infraction ou donné des instructions pour la commettre »; « dans les actes de complicité, on a toujours distingué ceux qui, extrinsèques à l’acte, tendent à en préparer, faciliter et réaliser la consommation, et ceux qui, par la simultanéité d’action et l’assistance réciproque, constituent la perpétration même ; que, lorsque ces derniers ont été commis, il existe bien moins des complices que des coauteurs ». Il y a donc la conception d’une intention du complice, dont il s’agit de « faire commettre l’infraction par une autre personne, tandis que l’auteur ou coauteur s’implique pleinement dans l’infraction« . Il existe même une notion d’un auteur moral, ou auteur intellectuel ou commanditaire, un complice qui joue un rôle dans la motivation, une complicité par provocation ou par instructions. C’est cette question de la « provocation » qui est déterminante. La loi Perben 2 a même ajouté aux dispositions du code pénal, une infraction spécifique, avec l’instigation au crime, qui pourrait permettre de faire poursuivre des incitations à, dès lors qu’elles n’ont pas été suivies d’effet…
En outre, il existe un délit par la provocation publique à la haine, à la violence, ou la discrimination raciale, en liaison avec la loi de 1881 sur la liberté de la presse.
Enfin, entre délit et crime, il existe aussi une interdiction à la provocation directe au terrorisme : « incitation directe à commettre des actes terroristes matériellement déterminés, constitutifs d’un crime: Infraction la plus grave punissable par une peine de prison (homicide volontaire ou viol par exemple) ou d’un délit: Infraction jugée par le tribunal correctionnel et punie principalement d’une amende et/ou d’une peine d’emprisonnement inférieure à 10 ans. » (…) « Il s’agit d’une incitation à commettre des actes dans le futur et non de l’approbation d’actes déjà commis. » Le délai de prescription est de 6 ans à partir du jour où ont été prononcés les propos délictueux ou à partir de la date de leur publication. La peine encourue est de 5 ans de prison et 75 000 € d’amende et si les faits ont été commis via internet, la peine encourue est de 7 ans de prison et 100 000 € d’amende.
Autrement dit : le droit français permet des poursuites contre les théoriciens et les propagandistes du « grand remplacement » – au moins une, et sans doute plusieurs. Or, cette expression, cette théorie selon laquelle des populations occidentales seraient menacées, soit par un complot visant à les faire disparaître, soit par une vague démographique physique aboutissant au même résultat, a été dynamisée par des Français, de Renaud Camus à Eric Zemmour, lequel lui a donné une plus grande diffusion. Et les moyens de communication de notre temps lui ont assuré une publicité mondiale. Un Procureur peut s’auto-saisir pour requérir une enquête préliminaire, et, sinon il peut être sollicité par une plainte. Pour l’instant, les théoriciens et principaux propagandistes dorment sur leurs deux oreilles…