C’est un des secrets les mieux gardés de « la nouvelle Europe », construite après la fin de la guerre continentale de 1939 à 1945, sur les ruines provoquées par cette « guerre totale ». En 1945, le nazisme est défait, ses principaux dirigeants sont morts, ou ont été arrêtés, ou sont en fuite (et on apprendra de nombreuses années plus tard qu’ils ont été aidés, par l’Eglise catholique, par la Croix-Rouge, par la CIA). Les armées nazies qui avaient réussi à conquérir des territoires, à l’ouest, au centre, à l’est, de l’Europe, y ont commis les mêmes crimes de masse, et, avec ces libérations, les peuples apprennent que les nazis avaient mis en place un programme spécial, une opération de liquidation d’un peuple, les Juifs d’Europe, et de quelques autres groupes humains (les Roms, les malades mentaux, et, à une moindre échelle, les opposants, les malades mentaux, les homosexuels). Les Etats d’un droit libéral renaissant (l’Allemagne nazie étant aussi un Etat de droit, mais d’un droit modifié…), entreprennent de juger des criminels qui ont survécu aux combats, et qu’ils ont pu arrêter, mais la sévérité contre ceux-ci est variable (les Soviétiques étant plus sévères que les Occidentaux). Les épurations nationales ne sont pas toutes de même intensité, et, en l’espèce, l’épuration en France est l’une des moins sévères d’Europe. Nombre de « collaborateurs » sont faiblement condamnés et vite relâchés, voire relaxés, bien qu’ils aient aidé à la réalisation de ces crimes de masse, notamment avec enthousiasme. Quelques figures plus connues sont, elles, condamnées et exécutées, et leurs noms, leurs condamnations, sont systématiquement évoquées pour affirmer que, épuration, il y a eu, et qu’elle fut sévère, puisqu’il y eut des condamnations à mort. Les « femmes tondues » servent à conforter ce mythe d’une épuration sévère, alors même que la plupart ne furent pas condamnées à mort, voire même pour beaucoup, emprisonnées (pour une durée conséquente). Pourtant, avec les années qui passèrent, la mesure des crimes commis a pu être prise et a conclu à un déchaînement de violences jamais vues, sauf dans les pays colonisés par ces mêmes pays européens. Il y avait donc eu retour du défoulé, du terme de sa projection vers sa source.
Dans l’Histoire de l’espèce humaine, les guerres, autrement dit, l’affrontement absolu, direct, violent, entre des individus, par la mise à mort de celles et ceux auxquels on se confrontait, se sont développées dans l’espace et dans le temps, sans devenir pour autant, permanentes. Mais, avec le développement des outils techniques de l’atteinte à l’intégrité physique des êtres humains, les guerres sont devenues avec le temps, plus meurtrières. Les batailles de la première guerre continentale, entre 1914 et 1918, ont conduit à ce qu’il est de coutume d’appeler des « boucheries », tellement le nombre de décès de soldats, par jour, a pu atteindre des niveaux jamais vus, à savoir par milliers, ou dizaines de milliers. L’armement européen, sous la maîtrise des savants et des ingénieurs, s’est diversifié et a offert aux militaires des armes capables de tuer, instantanément, plusieurs personnes, soldats, avec des canons surpuissants, les mitrailleuses, l’usage de l’arme chimique. Hélas : après cette guerre continentale édifiante, les peuples européens ont marché vers l’abîme, en silence ou en chantant. Les leçons n’ont pas été retenues. Le nazisme a donc pu naître en Allemagne, de « la République de Weimar ». Il n’a pas été interdit. Ses membres dirigeants, bien qu’ils aient été arrêtés pour le « putsch de la brasserie de Munich », ont été faiblement condamnés et rapidement libérés, bien qu’ils aient encouru, théoriquement, la peine de mort. Tous les spécialistes de cette période et de ces évènements concluent qu’ils ont été protégés, Adolh Hitler au premier… chef. Si le nazisme est resté limité avant 1929, la crise américaine est devenue mondiale, en raison de l’interconnexion de nombreuses économies, et particulièrement de l’Allemagne, déjà fortement liée, intégrée, à l’économie américaine. La grande dépression américaine a également été la grande dépression allemande. D’ailleurs, la responsabilité américaine dans le désastre allemand et dans le renforcement du nazisme n’a jamais été examinée, discutée, pointée, comme si elle n’existait nullement, et ce alors qu’il a été prouvé qu’une partie non négligeable des élites américaines avaient les yeux de Chimène pour le parti d’Hitler. La victoire de Roosevelt, puis sa politique, ont fait disparaître ce pro nazisme américain. Entre 1933 et 1939, le réarmement allemand n’est un secret pour personne, et surtout pas les services secrets étrangers, dont français, ni pour une partie de la presse européenne, française, laquelle, comme Daniel Schneidermann l’a raconté dans un terrible livre, a préféré se taire plutôt que d’informer ses lecteurs et lectrices de l’accroissement puis de l’imminence du danger. Or, en 1945, les accusés de Nuremberg auront été poursuivis par le tribunal spécial, pour « complot, crime contre la paix », alors que le procès aurait dû associer des dirigeants européens qui avaient collaboré avec les Nazis AVANT 1939, afin de les aider dans leurs victoires contre leur propre pays. C’est que, si le nazisme aura été l’une des pires « oeuvres » de l’Allemagne moderne, il est avant tout un produit européen, et nombre de dirigeants non allemands méritent d’être qualifiés de nazis…, français, belges, néerlandais, tchèques, polonais, ukrainiens. Il y eut une Internationale nazie et elle existe encore.
En France, les Nazis ont trouvé des amis, des « frères ». Et pour cause. La France a fait partie des pays dans lesquels le racisme et l’antisémitisme étaient omniprésents, depuis des décennies, en s’appuyant même sur de pseudo scientifiques. L’affaire Dreyfus, qui a donné lieu à un déchaînement de haines contre les Juifs en France, ne s’est pas produite dans un autre pays, mais là où tant et notamment dans les élites (militaires, culturelles, médiatiques) s’abreuvaient aux mensonges et aux délires contre les Juifs, sans qu’une législation, inexistante, serve à stopper et sanctionner, sans qu’il y ait un grand mouvement national contre – même si la majorité des Français étaient ou indifférents à la question de l’antisémitisme ou opposés à la haine antisémite. Le régime pétainiste, pour revenir sur les polémiques régulières qui le concernent, n’a pas été un régime contraint par les occupants, mais enthousiaste, zélé, actif. Ils avaient décidé de ne pas « laisser leur part aux chiens ». Le principe « génétique » qui définit le nazisme est le crime : c’est un régime de tueurs et d’assassinats. Le régime pétainiste, régime frère, s’es donc mis au diapason, avec enchantement. Si le nazisme est une idéologie allemande, il existait en France une pensée politique absolument comparable au nazisme et qui attendait seulement que les circonstances soient favorables pour célébrer leurs noces. Ce fut « la divine surprise » pour Maurras, alors que ces pro nazis français ne furent nullement surpris par cette « étrange défaite », puisqu’ils y contribuèrent, comme ils purent. Or, après 1945, un nombre conséquent de ces nazis français survécurent, et, avec eux, leurs familles. Comme en Ukraine, des nazis ukrainiens survécurent à la fin de la guerre, et à une éventuelle période d’emprisonnement (il ne faut pas oublier que certains ne furent jamais poursuivis, accusés, puisqu’il n’existait aucune preuve de ce qu’ils firent pendant ces années, et pour des causes objectives, évidentes, de disparition des témoins éventuels, d’absence d’enregistrement des crimes commis en raison de leur trop grand nombre, de destruction des preuves). Ces nazis, français, ukrainiens, qui ont survécu à, ils auraient pu néanmoins, après 1945, et dès lors que les archives ont permis de constituer des dossiers de crimes, être recherchés, poursuivis, arrêtés et jugés, comme Simon Wiesenthal le fit pour les nazis allemands qui fuirent l’Europe après la guerre. Rien de tout cela n’eut lieu. En France, il y eut même des amnisties. Il y eut même un Président de la République qui souhaitait que l’on en finisse avec ces conflits mémoriels (Pompidou). Il y eut même un Président qui décida de supprimer le jour férié dédié à la commémoration de la fin de la guerre. Il y eut même un Président qui dissimula ses engagements de jeunesse dans l’extrême droite la plus violente (la Cagoule). Et c’est même lui qui a donné un coup de main à un parti qui, quelques années plus tôt, a été fondé par d’anciens « collaborateurs », porteurs de l’uniforme SS. Le nazisme/pétainisme venait de faire son retour par la grande porte, et, au lieu d’assister à une révolte politique et sociale contre ces faveurs faites à cette extrême-droite qui avait du sang de Français sur les mains, il y eut, pour l’essentiel, le silence. 20 ans après, le candidat de ce parti du nouveau racisme français accédait au second tour de l’élection présidentielle, pour y être battu à plate couture. 20 ans après, la candidate du « nouveau » parti de ce même parti pourrait et accéder au second tour de l’élection présidentielle, et se rapprocher d’une victoire, si elle est confrontée au président de la République actuel, largement haï dans une grande partie de la population. Entre temps, les héritiers du pétainisme sont redevenus des acteurs officiels de la vie politique en France. Ils ont un groupe de télévisions, à leur service, quelques journaux. L’extrême-droite s’est scindée en deux groupes, une, qui, par comparaison avec l’autre, prétend au titre de « modérée », et l’autre qui, par comparaison avec la première, prétend au titre de « vraie et radicale ». Et voilà qu’une guerre en Ukraine éclate, et que ces nazis français soutiennent ou leurs coreligionnaires ukrainiens ou leurs coreligionnaires russes (plus rares, et plus en difficulté au sein de la Russie actuelle, en raison de la politique proclamée par Vladimir Poutine concernant la « dénazification » de l’Ukraine).
Et en Ukraine… (article à venir)