8 et 9 mai : commémorations en Europe pour fêter la chute du nazisme et du fascisme. 10 mai, en France : commémorations, des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leur abolition. Autrement dit : 8 et 9 mai, commémoration pour fêter la fin d’un esclavage militaire, criminel, génocidaire, et, le lendemain, en France, commémoration des fins, officielles, de l’esclavage en France, avec la mémoire des crimes de masse commis par ce système d’exploitation(s). Les commémorations du 8 et 9 mai sont plus importantes, par et pour les pays européens, parce que les menaces et les pertes pour les peuples européens furent les plus importantes; mais celles pour le 10 mai concernent ces mêmes peuples, dans leur responsabilité dans une exploitation destructrice et raciste, avec un nombre de victimes tout aussi élevé, ou plus (il y a de nombreux débats entre les spécialistes de ce sujet). Donc, les 8 et 9 mai, des peuples européens fêtent la fin du nazisme et du fascisme en leur reprochant d’avoir fait d’eux des esclaves, ou des morts; et le 10 mai en France, les Français reconnaissent l’Histoire de l’esclavage, par lequel ils firent, pour d’autres, ce que les Allemands leur firent pendant 4 ans. Mais l’Histoire de l’esclavage européen hors d’Europe a duré près de trois siècles. Pourtant, les commémorations du 10 mai sont plus faibles. Autrement dit : dès que l’on est responsable de ce que l’on est justifié à reprocher à d’autres, la reconnaissance, par la mémoire vivante, par des discours et des actes, symboliques et plus que, est faite à minima. Et, comme nous l’avons déjà constaté pour les commémorations des 8 et 9 mai, celles-ci sont devenues avec le temps de plus en plus formelles, creuses, sans force, politique, mémorielle, symbolique – à l’exception de la Russie qui a réactivé, que cela soit pour de bonnes ou de mauvaises raisons, le combat contre le nazisme. Il faut donc en prendre acte : les pays européens, et, singulièrement, la France, ont un problème avec la mémoire, les connaissances, de leur propre Histoire, notamment en raison de leurs responsabilités et culpabilités. Evidemment, on ne se focalisera pas sur les « négateurs » en tout genre, de ces responsabilités, mais leur existence même, le bruit qu’ils font pour renverser le rapport à ces faits, avec, les éloges, la valorisation, tant des colonisations que de l’esclavage, sont des éléments probants concernant ce problème avec la mémoire, les connaissances. C’est que les dirigeants européens ont conçu des projets de grandeur sur l’exploitation de millions de femmes, d’hommes et d’enfants, « quoiqu’il en coûte ».
4 ans de nazisme : entre 1 et 2 pour cent de la population française, décédée en raison des violences de l’occupant. 3 siècles d’esclavage, des millions d’esclaves, des morts dans des conditions violentes, diverses, sans doute impossible à comptabiliser en tant que telles. Une fois devenus esclaves, la plupart n’ont jamais recouvré leur liberté. Les seules qui auront pu vivre ce passage sont les générations contemporaines des abolitions, la première, décrétée pendant la Révolution (début 1794), et la seconde, en 1848. Mais ces abolitions n’ont pas été accompagnées d’une « réparation », par l’installation dans un statut protégé. La seconde a même intégré des dédommagements pour les propriétaires d’esclaves mais rien pour ceux-ci, qui ainsi passèrent du statut d’esclaves (inclus dans un réseau de propriétés et de services des maîtres, lesquels, s’ils n’étaient pas personnellement mauvais, pouvaient permettre à ces esclaves d’avoir quelques « avantages », toujours relatifs), à celui d’hommes et de femmes, « libres », mais sans avoirs, dans une économie dominée par les privatisations et l’argent. Ceux-ci sont donc passés d’un esclavage, explicite, de fait, à une forme nouvelle de servage, le « salariat », voire l’auto-entrepreneuriat avant la lettre, avec des journaliers, payés à l’activité et à la journée. Les esclaves se sont retrouvés frapper par la pauvreté et par le fait de devoir se vendre aux propriétaires de tout et de tous, pendant que les esclavagistes n’étaient ni sanctionnés en droit pour cette exploitation, ni sanctionnés financièrement, par des amendes, par des réparations. Les colons ont donc continué à marcher tête haute. Et ils investissaient le pouvoir politique. Leurs enfants, et petits-enfants, ont continué. Et à notre époque, ceux-ci, sans se déclarer publiquement, sauf exception, héritiers de colons, n’hésitent pas à défendre le colonialisme et l’esclavage. Si l’Etat français « commémore », officiellement, la traite, l’esclavage et leur abolition, ces dirigeants sont souvent amis de ces héritiers des colons, esclavagistes, avec lesquels ils sont donc d’accord sur la valeur de la colonisation esclavagiste, qu’ils ne remettent jamais en cause. Et c’est pour cela que nous pouvons avoir des chaînes de télévision sur lesquels se succèdent les défenseurs de ce « crime contre l’Humanité ». Mais si en Allemagne aujourd’hui, des arrières-petits-enfants des soldats, officiers, nazis, venaient dire qu’ils sont fiers de leurs aïeuls, et qu’ils ont bien fait de faire ce qu’ils ont fait, en France et ailleurs, comment percevrions-nous l’expression de cette fierté ?