Et si la France avait été à la place de la Syrie, et avait dû affronter… ? Première partie

Et si la France avait été à la place de la Syrie, et avait dû affronter… ? Première partie

La constitution, construction, d’Etats pluri-ethniques, comme la France, les Etats-Unis, unifiés, comme la France, par des mains de fer, y compris dans des gants de velours, y compris sous le nom de « République », a conduit les dirigeants de ces Etats à en incarner l’exemple, à en promouvoir la copie. La modernité se caractérise par la démultiplication de ce « modèle », par lequel des populations diverses ont été, la plupart du temps par la force, mais aussi par l’intéressement, « l’économie », unifiées – unifiées, en principe, en théorie et en doctrine officielle, sans que cette unité, heureusement, ne fasse disparaître cette diversité, mais en imposant à celle-ci un cadre bien souvent artificiel, contraignant et violent. La Syrie moderne a notamment été formée par, pour et à cause du « mandat français », tutorat qui, officiellement, avait pour objet de permettre à la Syrie de devenir une entité suffisamment développée et « mature » pour voler de ses propres ailes. Les nouveaux maîtres de la Syrie succédaient à d’autres, très nombreux, puisque cette région du monde est habitée depuis des milliers d’années, a connu plusieurs ères et civilisations. Bien ou mal, située, à un carrefour de circulations humaines, entre l’Occident et l’Orient, ces terres ont subi des guerres, conquêtes, conflits et destructions dans des proportions rares. Des cours, des livres, d’Histoire, sont les seuls à même de permettre de découvrir et d’apprendre ce qu’aura été cette longue Histoire, d’une complexité tout aussi rare.

C’est avec la seconde guerre mondiale que le mandat français prend fin, dans des conditions moins violentes et dramatiques qu’ailleurs (Indochine, Algérie), mais avec des tensions et des combats – et des morts. Choukri Bey al-Kouatli est le premier président de la Syrie, avant de devenir, en 1958, et ce brièvement, le premier président adjoint de la nouvelle République arabe unie, aux côtés de Nasser. Mais en 1961, la République arabe syrienne est rétablie. En 1963, le parti Baas, de la « résurrection », ou parti socialiste de la résurrection arabe, réussit un coup d’Etat. C’est un parti qui fait la synthèse entre un rêve arabe, d’une unité retrouvée, avec une pensée politique progressiste, « socialiste ». Un nouveau coup d’Etat, entrepris et réussi par des membres du parti Baas, instaure un nouveau pouvoir en 1966, mais fin 1970, un nouveau coup d’Etat, toujours interne, permet à Hafez El-Assad, de prendre le pouvoir. Et commence alors pour la Syrie une période de stabilité, au moins apparente, puisque, après 30 ans de pouvoir, l’un de ses fils, Bachar, lui succède. 22 après, il est donc toujours au pouvoir. La prise du pouvoir de 1970 a été fratricide : des milliers de baassistes, plutôt de tendance communiste, favorables à l’URSS, sont arrêtés, emprisonnés. Salah Jedid, adversaire de Hafez El-Assad, sera emprisonné jusqu’à sa mort, en 1993. De 1970 en 2000, la Syrie a connu beaucoup de tensions, et l’Etat syrien, militaire, « fort », n’a pas hésiter à faire tuer celles et ceux qu’ils jugeaient être des menaces existentielles. Par ses propres trahisons, El-Assad connaissait la fragilité des accords entre « amis », clans. Alaouite (donc, proche des Chiites), il devait composer dans une région du monde dominée par les Sunnites et les Wahhabites (1). En usant de la force, jusqu’aux pires violences, il a perpétué une tradition tyrannique régionale, maintenue plus aisément en raison de la fragilité et brièveté des pouvoirs politiques qui l’avaient précédé. Cette politique personnalisée a été possible par l’échec du parti Baas syrien, à mener une politique collective durable, à l’échec des partis Baas, de Syrie, d’Irak, d’Egypte, à s’entendre et à agir ensemble. Ces échecs ont rendu possible le retour à de « vieux démons ». Mais ceux-ci ont plutôt été soutenus par les Etats occidentaux. Il faut constater que Bachar El-Assad est passé du statut d’un dirigeant politique, honoré, salué, aidé par les Occidentaux à celui d’un paria dont la tête est mise à prix, à l’instar de ce qu’a vécu et subi Saddam Hussein en Irak.

Les Syriens sont donc encadrés par un Etat qui, comme des soutiens du président Macron l’ont répété et répété lors des journées des Gilets Jaunes, prétend être le monopole de la violence légitime. Et les Al-Assad sont, de ce point de vue, des individus extrêmement déterminés. En 2011, des citoyens se rassemblent pour exiger des réformes, voire le départ de Bachar El-Assad. La Syrie historique retrouve ainsi sa longue histoire d’agitations, contestations, révoltes. La suite de notre parution va donc comparer ce qui s’est passé avec ce qui aurait pu se passer en France, afin d’étudier les hypothèses, probabilités, de réactions et d’actions, de l’Etat français et de ses dirigeants. Etant donné que notre propos est d’être, de bout en bout, rigoureux, et, comme il s’agit de ne rien inventer, nous allons faire référence à cette page Wikipédia, consacrée à la « guerre civile syrienne » : https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_civile_syrienne En procédant ainsi, notre propos n’est évidemment pas de prendre les affirmations de cette encyclopédie pour argent comptant, comme si tout y était vrai, solide, étayée. MAIS il faut bien constater que cette encyclopédie sert de référence à des millions de citoyens, mais surtout à des Etats, comme l’Etat français, qui en font une référence officielle, reconnue, notamment dans le système scolaire. Cette page est très étoffée. De notre part, nous ne tenons aucun compte des affirmations catégoriques concernant les violations des droits de l’homme, avec, des localisations, des chiffres, etc. Nous n’affirmons pas que ces affirmations sont fausses, mais qu’elles sont ou insuffisamment étayées, ou douteuses en raison de leurs « sources ». A la différence de nombre de médias qui y font référence soit pour les valider à priori sans qu’ils puissent pourtant démontré les affirmations en question, soit pour les contredire sans également pouvoir démontrer la validité de leurs négations, nous considérons ne pas pouvoir établir ce que sont : le nombre des victimes civiles, réellement distinctes des militaires morts, les conditions de la mort de ces victimes. Il y a trop de propagandes, dont des propagandes contre-propagandes, pour parvenir à sortir du brouillard dans lequel nous nous trouvons à propos des évènements de cette guerre qui est à la fois civile et une guerre internationale. La seule chose dont nous sommes certains, c’est que le nombre de ces victimes civiles est très élevé, que les destructions de biens publics et privés ont été massives, avec des villes qui sont devenues des ruines.

Les premières manifestations civiles critiques datent de février 2011. Le gouvernement syrien y répond par l’association de la répression et de mesures socio-économiques : baisse de taxes sur les produits alimentaires de première nécessité, augmentation des subventions pour le fioul, création d’un fonds social qui aidera 420 000 personnes en difficulté, report d’une TVA, recrutement de 67 000 fonctionnaires. Toutefois, dans l’atmosphère des « révolutions arabes » en cours dans d’autres pays, ces mesures n’éteignent pas le début d’incendie, d’autant que le régime continue d’être répressif.
Si nous transposons en France, nous pourrions considérer que le mouvement des Gilets Jaunes a beaucoup à voir avec ces manifestations civiles syriennes. Et le gouvernement français a répondu en usant également de la répression et de mesures « sociales », faibles. En Syrie, les civils continuent de s’exprimer, de contester, de réclamer le départ de Bachar El-Assad, et il y a des morts. En France, le mouvement des Gilets Jaunes est arrêté, notamment par des condamnations à l’emprisonnement. Les forces de l’ordre sont autorisées à être plus violentes, font usage d’armes non létales mais préjudiciables. C’est ici qu’il faut user d’uchronie : et si le mouvement des Gilets Jaunes s’était amplifié au point de… ? En 5 mois, le basculement vers les violences est acté. Des civils sont tués, tuent des policiers, l’armée intervient. Et en France, avec des faits comparables, qu’aurait fait le gouvernement ? la police et l’armée ? A l’été, des citoyens engagés dans la rébellion, dans la région de Jabal al-Zawiya, profitent de la proximité avec la frontière turque pour se réfugier dans ce pays. Et si des Français avaient passé la frontière, belge, allemande ? Des soldats (professionnels) désertent. En juillet, certains forment une nouvelle armée, contre celles de l’Etat syrien : « l’armée syrienne libre » – transposons, l’armée française libre. Un « conseil national syrien » est créé en octobre – transposons, un conseil national français, indépendant de tous les pouvoirs politiques institués, et ce depuis la Belgique, ou l’Allemagne, ou la Suisse, avec, pour objectif de coordonner les opposants et mener des opérations contre le régime. Qu’est-ce que le gouvernement en place en France dirait ? Des groupes d’opposition, en Syrie, sont crées : la Commission générale de la révolution syrienne (CGRS), avec 150 coordinations locales; les comités locaux de coordination qui regroupent des dizaines de coordinations locales; le Comité de coordination nationale pour le changement démocratique (CCNCD); l’organisation des Frères musulmans (une organisation qui considère avoir des milliers de martyrs assassinés par le père de Bachar El-Assad).

(1) à aucun moment, il ne s’agit par là de justifier les décisions ayant conduit cet Etat à commettre des crimes.

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