Avec le temps, ce qui est vrai se révèle, nécessairement. En France, il en va ainsi de « l’opposition » entre le parti au pouvoir, LREM, devenu Renaissance-Ensemble, et le Rassemblement National. Avec la campagne actuelle pour les élections législatives, les deux partis se retrouvent dans le tout sauf NUPES, avec les mêmes arguments, qu’ils concernent l’être-même de cette coalition ou de certaines de ses composantes, ou qu’ils concernent les intentions économiques de la NUPES, en rejetant, par exemple, celle d’augmenter tous les salaires, dont le SMIC. De campagne national, il n’y a, de la part de ces deux partis, LREM et RN, rien. Le parti gouvernemental a l’avantage de toutes les positions de pouvoir et, de là, il « fait campagne », sans le dire ou en le disant. Mais sur les intentions réelles, un des pontes LREM a vendu la mèche : « Après les élections, viendra la mise en œuvre d’une feuille de route radicale et profonde, et là ce sera le tapis de bombes » (Gilles Legendre). Qui peut être motivé par un « tapis de bombes », à part les pilotes des bombardiers et les généraux qui leur donnent les ordres ? Ce langage, martial, guerrier, ultra violent, est significatif, sincère. Les intentions du parti du néolibéralisme en France seraient donc, au regard du premier quinquennat Macron, décuplées, alors que les décisions et réalisations de ces 5 dernières années ont déjà provoqué des troubles et des réactions du « corps social français », meurtri. Des « observateurs » de la politique en France n’hésitent plus à parler de sadisme à propos de ces réalisations et de ces nouvelles intentions. Pour la plupart, elles restent voilées, parce que le nouveau gouvernement dirigé par Elisabeth Borne ne les explicite pas – et pour cause. Elles sont susceptibles de faire perdre au parti présidentiel la majorité effective à l’Assemblée Nationale. Et comme le Rassemblement National rase les murs, que « les Républicains » tentent de sauver le peu qu’ils peuvent, la confrontation politique réelle se fait entre cet arc néolibéral, qui rassemble le parti présidentiel, le Rassemblement National dont il s’agit du véritable programme depuis sa création, Les Républicains, dont les dirigeants y sont convertis depuis longtemps également, comme le dernier quinquennat de Jacques Chirac l’a démontré, et la NUPES, instituée seule opposition, au grand dam des dirigeants néolibéraux du PS. Il y a longtemps que, sur le papier, il n’y avait eu une telle confrontation de programmes et d’intentions entre une droite économique dure, et une gauche qui se rapproche de ses fondamentaux. Sur tant de sujets, les uns disent blanc et les autres disent noir : augmentation des salaires pour les uns, aucune augmentation des salaires pour les autres, création d’emplois publics pour les uns, aucune création d’emplois publics pour les autres, et même nouvelle fournée de suppression d’emplois dans la fonction publique, nouveau dynamisme pour la fonction publique, via les services publics, pour les uns, suppression du statut de la fonction publique pour les autres, mise à l’abri des sans domicile pour les uns, rien pour les autres, etc. De cette confrontation, les médias d’Etat, par essence non indépendants, participent, en donnant la parole de préférence à l’arc néolibéral contre la NUPES. C’est que, selon la loi, ce sont les résultats des élections législatives de 2017 qui sont déterminantes. Ces règles instaurent donc une prime au sortant, qui ne tient aucun compte du résultat de l’élection présidentielle d’avril 2022. Mais désormais, en raison du mur médiatique constant, les campagnes, les débats, se font via les réseaux sociaux, les Tubes, en échappant ainsi aux règles simplistes et inéquitables fixées par la loi et gérées par l’ARCOM. Il a été relevé récemment, par exemple par le site « Arrêt sur Images », que le JT de France2 a ostensiblement ignoré la conférence de presse de la NUPES sur le « programme commun ». La voici ci-dessous.
Enfin, dimanche 12 juin, comment les votes seront officiellement comptabilisés ? La NUPES a déposé un référé devant le Conseil d’Etat afin de faire reconnaître son identité, alors que le Ministère de l’Intérieur, en charge de la gestion des élections, lui a refusé cette reconnaissance. Autant dire que, en France, les « règles du jeu politique », dans lesquelles il faut inclure l’existence et les pratiques des médias dominants, favorisent clairement un pouvoir politique structurel, constant, historique, qui se trouve exprimé par le pouvoir représentatif actuel, mais qui se situe à la fois en-deçà de et au-delà de. La seule ligne politique exprimée par le pouvoir en place a été d’affirmer que les élections législatives sont faites pour donner au président élu une majorité, autrement dit que ces élections sont seulement faites pour confirmer le résultat de l’élection présidentiel. Cette affirmation ne tient pas compte et des principes constitutionnels et des réalités politiques de l’élection présidentielle de 2022, lesquelles n’ont pas « donné » au président réélu un plébiscite. Dimanche 22 mai, Frédéric Lordon a donné cette conférence à propos de la situation sociale et politique en France. Il expose ce que sont, selon lui, les positivités et les limites de la NUPES. Là encore, il est utile, et même « nécessaire » de partager une telle réflexion parce que, non content qu’elle soit cohérente, sensée et instructive, elle est inexistante sur les médias d’Etat non indépendants qui boycottent de tels intellectuels et de tels courants politiques. Il faut donc pallier ici et ailleurs à cette censure, de fait.