Les commémorations en Russie à l’occasion de la journée du 9 mai 2022 ont donné lieu, en France, en Europe, à des commentaires, critiques, ironiques, moqueurs, voire insultants. Elles auraient relevé d’une instrumentalisation, en lien avec la propagande de l’Etat russe, en faveur des actions et des combats militaires, en Ukraine. Sur ce sujet comme sur tant d’autres, il ne faut pas avoir la mémoire courte : concernant ces commémorations annuelles elles-mêmes, et sur l’Histoire à laquelle elles font référence, les évènement et les tragédies de la Seconde Guerre Mondiale. Quand la Russie faisait partie d’une Union des Républiques Socialistes Soviétiques, les Etats occidentaux, dans lesquels n’existaient pas encore ces médias et ces réseaux sociaux, commentaient brièvement et froidement ces rassemblements à la mémoire des vainqueurs, des héros, héroïnes et des disparus de cette guerre. Pourtant, dans les pays d’Europe de l’Ouest, les Etats commémorent la victoire alliée de 1945, par exemple, en France, le 8 mai. Depuis longtemps déjà, ces « commémorations » en France sont formelles, rapides et creuses (cf notre article publié hier. Ces Etats pourraient être fiers et heureux de cette victoire sur le nazisme, mais on doit constater qu’il s’agit avant tout pour les dirigeants de ces Etats de cérémonies qu’il faut tenir, le plus rapidement possible, pour ne plus en parler. En URSS, et, désormais en Russie, la mémoire collective quant à cette guerre est plus vive, intense, et affective, notamment parce que, comme nous l’avons rappelé hier, les Soviétiques ont perdu plus de 10 fois plus de femmes et d’hommes que les Français. Autrement dit : si les Français avaient subi autant de pertes que les Soviétiques, on peut penser qu’ils seraient moins enclins à prendre cette Histoire à la légère. Mais le pire, c’est que des admirateurs de celles et ceux qui soutenaient le nazisme en France et en Europe ont retrouvé vie et influence, et qu’ils se font même bruyamment entendre ici ou là. Pour comprendre quelqu’un, il faut se mettre à sa place. Cette loi de l’empathie est le secret de la conscience, de la force, humaines. Il faut donc se mettre à la place des Soviétiques, des Russes, pour comprendre pourquoi cette guerre européenne a été si terrible, si atroce, et si scandaleuse, principalement contre eux et contre les Juifs d’Europe, les tziganes, les homosexuels, les communistes.

Années 30 : l’URSS existe depuis à peine 10 ans. Elle a été établie sur les ruines du régime tsariste russe, et elle a donné des nationalités et Etats à des peuples qui, auparavant, étaient, de fait, intégrés à ce régime. Sa naissance n’a pas été facile, facilité. Des Etats d’Europe de l’Ouest, aidés par les Etats-Unis, ont commencé par faire la guerre au nouvel Etat, dans une guerre, appelée à tort, « civile » (entre Russes), alors qu’il s’agit d’une guerre civile internationalisée, puisque des Etats y contribuent, directement et indirectement. L’établissement du pouvoir bolchevik, puis de l’URSS elle-même, n’a jamais été accepté par ces Etats, notamment parce que ce nouvel Etat était fondé sur une remise en cause de leurs propres principes, qu’ils avaient eu à combattre en leur propre sein, qu’ils continuaient à combattre. Pendant cette période, les Etats européens mènent une guerre totale contre le nouveau régime, et, par leurs participations à la guerre, contribuent déjà à des pertes, y compris par des sanctions économiques, avec des conséquences pour l’alimentation des populations. Mais, déjà, les nouveaux « Soviétiques » finissent par avoir le dessus, et repoussent les Européens, en intégrant notamment l’Ukraine dans le giron de l’URSS, ce qui, pour les Occidentaux, constitue une perte inacceptable et douloureuse, en raison des richesses matérielles, des intérêts géostratégiques de ce pays. Les pays occidentaux n’acceptent pas leur défaite. Ils refusent de reconnaître l’URSS, et ils soutiennent tous les acteurs, les mouvements, partis, susceptibles de diviser celle-ci, de l’affaiblir. La seule ligne politique qui aura unit les Européens, avec les Etats-Unis, de cette époque, à la fin des années 80, aura été le démantèlement de l’URSS, et si nécessaire, de la Russie elle-même. Avec des pertes humaines et matérielles déjà conséquentes, les dirigeants de la nouvelle URSS doivent reconstruire, et ils entendent le faire sur la base de leurs propres et « nouveaux » principes, marxistes, communistes. Il leur faut donc conjuguer l’efficacité, notamment afin de devenir, autant que possible, autonome, pour ne pas dépendre des Etats étrangers, avec leurs idéaux, par la valorisation des travailleurs, paysans et ouvriers. Ils mettent en place une planification de productions industrielles, qui doivent donc être prises en charge et réalisées par des organisations ouvrières. En deux décennies, tout le travail effectué par les uns et les autres va propulser l’URSS dans les premières et plus grandes puissances mondiales, ce que les Etats occidentaux ont fait pendant bien plus de décennies et par une exploitation méprisante, jusqu’au racisme, de millions de travailleurs, paupérisés au maximum. Pendant ces décennies, les années 20 et 30, confrontés à l’existence et au développement de l’URSS, de ses liens avec les partis communistes présents dans la plupart des pays, les Etats occidentaux pensent et agissent, constamment, contre celle-ci, mais ils ne peuvent à nouveau lui mener une guerre ouverte, officielle. En Allemagne, le parti nazi est celui qui exprime le plus clairement son opposition au marxisme et au bolchévisme. Or, en 1933, il parvient au pouvoir, par la nomination d’Adolf Hitler à la chancellerie, avec, à ses côtés, des ministres nazis. Et en quelques semaines, ceux-ci convertissent la République de Weimar, en Etat autoritaire, officiellement, antisémite, anticommuniste. En outre, son dirigeant, A. Hitler, a fait publier au milieu des années 20 un manifeste, « Mon combat », dans lequel il nomme et décrit ses ennemis, « ennemis de l’Allemagne », au premier rang desquels il y a les communistes et l’URSS. Bien que l’Etat français disposait d’un droit légal et légitime d’agir contre ce nouveau régime allemand, en raison des clauses du Traité de Versailles, il n’en fait rien, et, année après année, l’Etat allemand devient l’un des plus puissants Etats militaires du monde. En 1938, un an avant la guerre, cet Etat consacre 80% de ses ressources budgétaires à la production militaire, à l’existence et au fonctionnement de ses armées. La France, l’Angleterre, les Etats-Unis, le savent et laissent faire. Les accords de Munich de 1938 constituent même une incitation explicite de la part de ces pays envers l’Allemagne à ce qu’elle attaque l’URSS. L’Histoire de la Seconde Guerre Mondiale s’est jouée pendant une année, de 1938 à 1939. Si Hitler avait donné satisfaction aux Etats d’Europe de l’Ouest, il aurait pu prendre la tête d’une nouvelle grande armée européenne pour attaquer l’URSS. C’est ce qu’il fera en 1941, fin juin, mais en ayant soumis ces Etats par la force, et en ayant perdu des soldats sur les fronts de l’Ouest, comme en ayant fait perdre des soldats à ces Etats. Le bellicisme nazi envers l’ensemble du monde, la haine d’Hitler envers la France, qui avait réussi à gagner la première guerre mondiale (Hitler a été un soldat allemand, scandalisé par une défaite qu’il jugeait fondée sur des trahisons), ont eu le dessus sur ce qu’aurait pu et dû être la « raison commune » nazie-européenne : attaquer ensemble l’URSS, et nous devons à ce choix, à cette erreur, et l’Histoire de cette guerre, et la victoire finale des Alliés. Dans un premier temps, les Nazis vont faire le choix de ne pas attaquer l’URSS et d’établir cet engagement officiel, par un « pacte de non agression », qui n’est pas un pacte d’alliance, comme le sera par contre les accords entre les trois pays des Forces de l’Axe. Pour les deux parties, il s’agit de gagner du temps, et d’avoir les mains libres, ailleurs, surtout pour les Allemands. Les Soviétiques réussissent là encore un coup de maître, en neutralisant une potentielle alliance germano-européenne, deux ans avant qu’elle ne devienne effective. Deux années que l’URSS met à profit pour anticiper une guerre dont ces dirigeants savent qu’elle aura nécessairement lieu. Les Soviétiques assistent, impuissants et impressionnés, à la chute, en quelques semaines, de plusieurs Etats, dont la France. Ils constatent que les dirigeants de ces Etats, surtout les dirigeants français, se convertissent avec un zèle tout aussi impressionnant, à une collaboration avec l’Allemagne. Des pro-nazis surgissent « de nulle part », parce que ces trahisons furent préparées. Les Nazis enchaînent victoire sur victoire. Bien qu’ils aient eu un plan pour l’invasion de la Grande-Bretagne, la résistance britannique est suffisante pour les obliger d’annuler, de repousser, leur projet. Hitler, qui est un fou de guerre, ne laisse aucun répit à ses soldats et à leurs officiers. A peine un an après sa victoire sur la France, il prépare une invasion de l’URSS qui était même prévue pour intervenir plus tôt, mais les échecs militaires de son allié italien en Grèce l’obligent à lui porter secours et retardent ainsi de quelques semaines la mise en oeuvre de ce projet. Les espions soviétiques au sein de l’Allemagne, comme les observateurs soviétiques près des frontières germano-soviétiques, établies après le pacte de non-agression, constatent l’existence de préparatifs de guerre. Une alliance européenne va donc partir à l’assaut de l’URSS.